Case of Schneider v. Luxembourg

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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE SCHNEIDER c. LUXEMBOURG
(Requête n o 2113/04)
ARRÊT
STRASBOURG
10 juillet 2007
DÉFINITIF
10/10/2007
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des
retouches de forme.

En l’affaire Schneider c. Luxembourg,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
M. A.B. BAKA , président ,
M me F. TULKENS , juge ad hoc,
MM. I. CABRAL BARRETO ,
R. TÜRMEN ,
M. UGREKHELIDZE ,
M mes A. MULARONI,
D. JOČIENĖ, juges ,
et de M me S. DOLLÉ , greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 19 juin 2007,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (n o 2113/04) dirigée contre le Grand-Duché de

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Luxembourg et dont une ressortissante de cet Etat, M me Catherine Schneider (« la requérante »), a saisi la
Cour le 9 janvier 2004 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des
Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. La requérante est représentée par M e F. Rollinger, avocat à Luxembourg. Le gouvernement
luxembourgeois (« le Gouvernement ») est représenté par son conseil, M e A. Rukavina, avocat à
Luxembourg.
3. La requérante alléguait avoir subi des atteintes à son droit au respect de ses biens, d’une part, et à sa
liberté d’association, d’autre part, en raison de l’apport forcé de son terrain à un syndicat de chasse. Elle
invoquait les articles 1 er du Protocole n o 1, pris isolément et en combinaison avec l’article 14 de la
Convention, ainsi que l’article 11 de la Convention.
4. Le 25 mai 2005, la Cour a décidé de communiquer la requête. Se prévalant des dispositions de l’article
29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l’affaire. Le
22 janvier 2007, la Cour a invité les parties à soumettre des observations complémentaires sur la recevabilité
et le bien-fondé de la requête (article 54 § 2 c) du règlement de la Cour). La Cour a décidé qu’il n’était pas
nécessaire à l’accomplissement de ses fonctions au titre de la Convention de faire droit à la demande du
Gouvernement de tenir une audience (article 54 § 3 du règlement de la Cour).
5. Dans la mesure où M. D. Spielmann, juge élu au titre du Luxembourg, s’est déporté (article 28 du
règlement de la Cour) et où le gouvernement défendeur a renoncé à l’usage de son droit de désignation, la
chambre a désigné pour siéger à sa place M me F. Tulkens, juge élue au titre de la Belgique (article 27 § 2 de
la Convention et article 29 § 2 du règlement de la Cour).
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
6. La requérante est née en 1974 et réside à Luxembourg. Elle se qualifie d’opposante éthique à la chasse.
7. Elle est propriétaire d’un terrain qui, au titre de l’article 1 er de la loi modifiée du 20 juillet 1925 sur
l’amodiation de la chasse et l’indemnisation des dégâts causés par le gibier (ci-après « la loi de 1925 »), est
compris dans le lot de chasse n o 16 du syndicat de chasse de Troisvierges (Luxembourg).
8. Le 5 mars 2002, elle écrivit au président du syndicat de chasse concerné qu’elle s’opposait à ce que son
terrain soit inclus dans la zone de chasse ; elle indiqua que son opposition « se bas[ait] sur la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’homme ». Le 19 mars 2002, le président du syndicat de chasse accusa
réception de ce courrier.
9. Lors de son assemblée générale du 11 mai 2002, le syndicat de chasse approuva le principe du
« relaissement » du lot de chasse n o 16 et se prononça pour une prorogation du bail de chasse, pour une durée
de 9 ans, en faveur des locataires sortants. Il résulte d’un extrait du registre spécial du syndicat de chasse
concerné qu’un seul « acte de consentement ou d’opposition formulé par les intéressés » fut enregistré.
10. Par une décision du 8 août 2002, le ministre de l’Environnement approuva la délibération de ladite
assemblée générale.
11. Le 3 septembre 2002, la requérante introduisit un recours tendant à la réformation de cette décision
ministérielle. Elle contestait en premier lieu la régularité du procès-verbal de l’assemblée générale du 11 mai
2002 approuvé par le ministre de l’Environnement, au motif que l’opposition qu’elle avait manifestée au
principe du « relaissement » ne ressortissait pas du dossier et n’avait ainsi pas pu être prise en considération.

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Elle se fonda ensuite sur l’arrêt Chassagnou et autres c. France ([GC], n os 25088/94, 28331/95 et 28443/95,
CEDH 1999-III) pour arguer d’une violation de l’article 1 er du Protocole additionnel, pris isolément et en
combinaison avec l’article 14 de la Convention, ainsi que de l’article 11 de la Convention.
12. Le tribunal administratif rendit son jugement le 12 février 2003. Après avoir déclaré le recours de la
requérante recevable et écarté le moyen tiré du non-respect du formalisme, les juges examinèrent le fond de
l’affaire. En premier lieu, ils rejetèrent le moyen tiré d’une violation de l’article 1 er du Protocole additionnel.
Rappelant les principes posés par la jurisprudence invoquée par la requérante ( Chassagnou , précité, § 75), ils
se prononcèrent en effet dans les termes suivants :
« Il échet de rappeler que l’intérêt général poursuivi consiste « à éviter une pratique anarchique de la chasse et une gestion
rationnelle du patrimoine cynégétique » (v. arrêt Chassagnou, n o 79). Dès lors, il s’agit plus précisément de déterminer si les
dispositions inscrites à la loi de 1925 ne constituent pas une mesure disproportionnée eu égard à l’intérêt général, tel que décrit ci-
avant.
Il convient tout d’abord de relever que la circonstance que des terres appartenant à la demanderesse ont été incluses dans le
district de chasse n o 016 du syndicat de chasse de Troisvierges n’a pas privé Madame SCHNEIDER de sa propriété, mais a
seulement apporté des limitations à son droit d’usage de celle-ci, conformément aux règles édictées par la loi de 1925. En effet,
des trois attributs classiques du droit de propriété, seul l’ « usus » est atteint, l’ « abusus » ne l’est pas, et le « fructus » ne l’est pas
non plus. A cela s’ajoute que la loi de 1925, afin de compenser la perte temporaire de l’« usus » prévoit en son article 7 que le prix
de location perçu par les soins du collège des syndics est réparti entre les propriétaires intéressés au prorata des terrains loués
qu’ils possèdent dans le district. Finalement, et contrairement au système français tel que décrit dans l’arrêt Chassagnou, la loi de
1925 prévoit explicitement que le syndicat de chasse doit se prononcer tous les neuf ans pour ou contre le principe du
relaissement du droit de chasse sur son territoire, de sorte que, conformément à l’article 1er alinéa 2 de la loi de 1925, une
majorité de propriétaires représentant au moins les deux tiers de la superficie des terrains ou les deux tiers des intéressés
représentant plus de la moitié de la superficie, pourront s’y opposer.
Il s’ensuit que le système tel qu’instauré par la loi de 1925, en ce qu’il prévoit que toutes les propriétés non bâties, rurales et
forestières, comprises dans le territoire d’une section électorale d’une commune formeront un district de chasse et que les
propriétaires sont constitués de par la loi en syndicat de chasse, ne rompt pas le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde
du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général. »
13. Le tribunal examina ensuite le moyen par lequel la requérante soutenait, au titre de l’article 1 er du
Protocole additionnel combiné avec l’article 14 de la Convention, que les dispositions de la loi de 1925
étaient discriminatoires dans la mesure où, d’une part, elles faisaient une distinction entre les propriétaires
selon qu’ils possèdent moins ou plus de 250 ha, et où, d’autre part, elles excluaient d’autre part du district de
chasse les biens de la Couronne. Les juges retinrent à ce sujet ce qui suit :
« La discrimination alléguée par la demanderesse tient tout d’abord à la différence faite par la loi de 1925 entre le propriétaire
de moins de 250 hectares et le propriétaire de terrains d’au moins 250 hectares, qui lui a le droit d’exiger que toute sa propriété
rentre dans un seul lot de chasse. Or, concernant ce point précis, le souci du législateur a été, dans l’intérêt général, de constituer
des territoires cynégétiques suffisamment grands afin d’assurer une gestion efficace des lots de chasse en définissant un seuil
raisonnable quant à la superficie qu’un lot de chasse doit posséder, tout en respectant les propriétés d’un seul tenant suffisamment
grandes pouvant à elles seules remplir les conditions ainsi fixées pour constituer un lot de chasse sans l’ajout d’autres terrains.
Ceci ne veut cependant pas dire que le propriétaire d’un terrain d’au moins 250 hectares a la possibilité de décider à lui tout seul
que sa propriété ne sera pas incluse dans un lot de chasse, étant donné que l’article 1 er alinéa 10 de la loi de 1925 prévoit que
même si ce propriétaire a le droit d’exiger que toute sa propriété rentre dans un seul lot de chasse, le lot en question pourra
cependant comprendre aussi d’autres propriétés suivant décision des syndicats. Or, comme relevé ci-avant, le droit de chasse est
par principe relaissé, à moins que le syndicat n’en décide autrement par une majorité représentant au moins les deux tiers de la
superficie des terrains ou les deux tiers des intéressés représentant plus de la moitié de la superficie , disposition qui prescrit
partant qu’un seul propriétaire puisse retirer sa propriété du lot de chasse en question.
Sur ce, le tribunal arrive à la conclusion que la distinction instaurée par la loi de 1925 entre « grands » et « petits » propriétaires
ne heurte pas l’article 1 er du Protocole n o 1 de la Convention combiné avec l’article 14 de la Convention.

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Il en est de même de la prétendue discrimination en raison de l’exclusion du district de chasse des biens de la Couronne, étant
donné que ni l’article 14 de la Convention, ni l’article 10 bis de la Constitution, comme rappelé ci-avant, ne s’opposent à ce que
des personnes se trouvant dans des situations différentes soient régies par des règles différentes. Or, le système monarchique
luxembourgeois et les dispositions constitutionnelles afférentes placent le Grand-Duc, sous certains rapports, au-dessus ou plutôt
en dehors du droit commun. Sa situation juridique est déterminée par le caractère représentatif de sa fonction, la constitutionnalité
de ses pouvoirs, l’inviolabilité de sa personne, son irresponsabilité, ainsi que par les dispositions spéciales concernant ses droits
patrimoniaux et la liste civile (v. Pierre Majerus, l’Etat luxembourgeois, 6 ième édition, p. 147). Plus précisément, les biens
mobiliers et immobiliers composant la fortune privée de la Maison grand-ducale ne sont pas soumis au droit commun. Ils sont
régis par les statuts de la famille de la Maison de Nassau et par les dispositions prises ou à prendre en vertu de ces statuts. La
possession, l’administration, le contrôle et les revenus de la fortune privée de la Maison grand-ducale appartiennent
exclusivement au détenteur de la Couronne, l’Etat ne peut d’aucune façon s’ingérer dans la gestion de la fortune privée de la
Maison grand-ducale (voir Pierre Majerus, précité, p. 149).
En raison de cette situation objectivement différente, la violation alléguée de la demanderesse sous ce rapport est également à
écarter. »
14. Les juges écartèrent finalement le moyen par lequel la requérante se plaignait, sous l’angle de
l’ingérence dans la liberté d’association dite négative au titre de l’article 11 de la Convention, d’être contrainte
de par la loi de 1925 à être membre d’un syndicat de chasse. Ils estimèrent, d’une part, que cette contrainte
n’était pas absolue, étant donné qu’une majorité des propriétaires représentant au moins les deux tiers de la
superficie des terrains ou les deux tiers des intéressés représentant plus de la moitié de la superficie d’un lot
de chasse ont la possibilité de s’opposer au « relaissement » du droit de chasse sur leur propriété et peuvent,
partant, également s’opposer à être membre de droit du syndicat litigieux. D’autre part, contrairement au
système français, tel que sanctionné par la Cour dans l’arrêt Chassagnou, la qualité de membre de droit dans
un syndicat de chasse pèserait au Luxembourg sur tous les propriétaires, y compris l’Etat, les communes et les
établissements publics, le système étant en effet unifié pour tout le pays, et la loi de 1925 ne ferait pas de
distinction à ce niveau entre les petites et grandes propriétés. Le tribunal arriva ainsi à la conclusion que la
qualité de membre « forcé » du syndicat de chasse de Troisvierges dans le chef de la requérante et la
prétendue atteinte au droit négatif d’association en découlant était à considérer comme proportionnée à
l’intérêt général poursuivi.
15. Le 24 mars 2003, la requérante interjeta appel de cette décision.
16. Par un arrêt du 10 juillet 2003, la cour administrative fit sienne la motivation du tribunal administratif
et confirma le jugement du 12 février 2003.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONAUX PERTINENTS
A. Résolution relative à l’arrêt Chassagnou et autres c. France du 29 avril 1999, adoptée par le Comité des Ministres le 25
avril 2005, lors de la 922 e réunion des Délégués des Ministres, ResDH(2005)26
17. Dans sa résolution relative à l’arrêt Chassagnou et autres c. France , le Comité des Ministres acta les
informations fournies par le Gouvernement de la France en ce qui concerne les mesures d’ordre général
prises :
« (…) Afin de donner plein effet à l’arrêt de la Cour, la loi no 64-696 du 10 juillet 1964 (dite Loi Verdeille) incriminée par la
Cour a été modifiée par la création d’une possibilité d’objection de conscience cynégétique au profit des opposants à la chasse. La
loi n o 2000-698 relative à la chasse, introduisant cet amendement, a été adoptée le 26 juillet 2000 et publiée au Journal Officiel le
27 juillet 2000. En vertu de l’article 14 de cette loi (actuel article L422-10 du Code de l’Environnement) :
« L’association communale [de chasse agréée – ACCA] est constituée sur les terrains autres que ceux (…) 5º Ayant fait l’objet
de l’opposition de propriétaires, de l’unanimité des copropriétaires indivis qui, au nom de convictions personnelles opposées à la
pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l’exercice de la chasse sur leurs biens, sans préjudice des
conséquences liées à la responsabilité du propriétaire, notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier

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provenant de ses fonds.
Lorsque le propriétaire est une personne morale, l’opposition peut être formulée par le responsable de l’organe délibérant
mandaté par celui-ci. »

B. Législation et jurisprudence internes pertinentes concernant le droit de chasse
1. Législation
18. Les articles pertinents du code civil disposent ce qui suit :
Article 544
« La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les
règlements ou qu’on ne cause un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage rompant l’équilibre entre des droits
équivalents. »
Article 715
« La faculté de chasser ou de pêcher est également réglée par des lois particulières. »
19. La loi du 20 juillet 1925 sur l’amodiation de la chasse et l’indemnisation des dégâts causés par le gibier
(« loi de 1925 ») prévoit que les propriétaires de terrains non bâtis, ruraux et forestiers dans une section
électorale de commune sont constitués en syndicats de chasse. Ces propriétaires réunis en assemblée générale
décident du « relaissement », c’est-à-dire de la location, ou non, du droit de chasse pour une certaine période.
En cas de décision de « relaissement », la location se fait par adjudication publique ou par prorogation du bail
de chasse en faveur du ou des locataires sortants. Les dispositions pertinentes de la loi de 1925 se lisent ainsi
qu’il suit :
Article 1 er
« Toutes les propriétés non bâties, rurales et forestières comprises dans le territoire d’une section électorale de commune
formeront un district de chasse qui pourra être divisé en lots d’une contenance d’au moins 250 ha. Les propriétaires sont
constitués en syndicats de chasse par l’effet de la présente loi. Par décision des syndicats concernés, les territoires de plusieurs ou
de toutes les sections électorales d’une même commune peuvent être réunis en un district de chasse.
Le droit de chasse sur ces propriétés sera relaissé, à moins que le syndicat n’en décide autrement par une majorité représentant
au moins les deux tiers de la superficie des terrains ou les deux tiers des intéressés représentant plus de la moitié de la superficie.
Les propriétés de l’Etat, des communes et des établissements publics sont toujours comprises dans la superficie adhérente au
relaissement ; mais leurs représentants comme tels ne sont pas admis à participer au vote des propriétaires intéressés sur le
principe du relaissement.
L’Administration des Eaux et Forêts est chargée d’élaborer les projets de lotissement sur la base de considérations d’ordre
cynégétique et écologique.
Ces propositions de lotissement sont soumises aux syndicats pour agrément ou contre-propositions.
(…)
Le propriétaire de terrains d’au moins 250 hectares d’un tenant (contenance cadastrale) qu’ils soient situés ou non sur le territoire
de plusieurs communes, a droit d’exiger que toute sa propriété rentre dans un seul lot de chasse, lequel pourra cependant
comprendre aussi d’autres propriétés suivant décision des syndicats.
Si la propriété s’étend sur plusieurs sections, il a le droit d’exiger qu’elle soit comprise dans un lot de la section sur laquelle se
trouve la superficie la plus étendue. Les séparations formées par les routes, voies ferrées et cours d’eau ne seront pas à considérer
comme interruption.

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L’Etat, les communes et les établissements publics sont exclus du bénéfice de l’alinéa qui précède. »
Article 2
« Sont exclus du district de chasse les biens de la Couronne formant un ensemble non interrompu de 250 ha au moins. Le droit
de chasse peut cependant s’y exercer.
Sont également exclus tous les terrains entourés d’une clôture continue faisant obstacle à toute communication du gibier à poil
avec les héritages voisins, ainsi que les parcs, jardins et potagers attenant aux immeubles occupés d’une façon permanente. De
même sont exclues la voirie publique appartenant ou reprise par l’Etat ainsi que les voies ferrées en exploitation.
Les propriétés appartenant à l’Etat pourront de même être exclues du syndicat de chasse dans un intérêt général par une décision
du Gouvernement à porter à la connaissance du syndicat au moins dix jours avant l’adjudication. »
Article 3
« – alinéa 1 er « Le syndicat de chasse sera convoqué en assemblée générale. (…) »
– alinéa 4 « Les intéressés peuvent formuler leur consentement ou leur opposition au relaissement de la chasse avant le jour
fixé pour l’assemblée par déclaration orale ou écrite (…) »
– alinéa 7 « La décision du syndicat portant sur le principe du relaissement sera soumise sans retard à l’approbation du ministre
compétent qui statuera dans les quinze jours conformément aux dispositions de la présente loi. (…) »
– alinéa 8 « Il est ouvert à tout propriétaire de la section intéressée un recours au Conseil d’Etat Comité du Contentieux contre
la décision du ministre compétent sur le principe du relaissement ; le Conseil statuera avec juridiction directe. Ce recours devra
être introduit dans la quinzaine de la notification aux intéressés par voie d’affiche aux lieux usités dans la commune pour les
publications officielles. (…) »
Article 6
« (…) Le relaissement ne peut être fait que pour des périodes de neuf ans. Si l’assemblée générale, (…), se prononce pour le
relaissement du droit de chasse, elle se prononce également, séance tenante, à la majorité des membres présents ou représentés,
sur le mode de relaissement : adjudication publique ou prorogation du bail de chasse en faveur du ou des locataires sortants. (…)
La décision concernant le mode de relaissement est soumise avec la décision portant sur le principe de relaissement à
l’approbation du Ministre.
En cas de décision de prorogation du bail, le collège des syndics dispose d’un délai de 15 jours pour aboutir à la signature d’un
nouveau contrat avec le locataire sortant aux clauses, conditions et prix à convenir. (…) »
Article 7
« Le prix de location sera perçu par les soins du collège des syndics, qui les répartira entre les propriétaires intéressés au prorata
des terrains loués qu’ils possèdent dans le district. (…) »
2. Jurisprudence
20. Si la requérante se vit rejeter son recours à l’encontre de la décision ministérielle approuvant la
délibération du syndicat de chasse, les juridictions administratives donnèrent en revanche gain de cause à une
autre opposante éthique à la chasse.
21. En effet, dans un jugement du 18 décembre 2003 (N o 15096 du rôle), le tribunal administratif conclut
en premier lieu à l’applicabilité du second alinéa de l’article 1 er du Protocole no 1 et à l’existence d’une
ingérence, aux motifs suivants :
« Considérant que s’il est vrai que l’apport forcé du droit de chasse à une ACCA, association exerçant elle-même ce droit,
n’équivaut pas en première apparence avec l’inclusion forcée de tous les propriétaires de terrains dans un syndicat de chasse par
l’effet de la [loi de 1925], il n’en reste pas moins que l’un et l’autre de ces mécanismes est de nature à empêcher le propriétaire

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concerné de faire usage de son droit de chasse, directement lié au droit de propriété, comme bon lui semble. (…) »
22. Il reconnut ensuite la légitimité du but poursuivi par l’ingérence, à savoir qu’il est « dans l’intérêt
général d’éviter une pratique anarchique de la chasse et de favoriser une gestion rationnelle du patrimoine »
(Chassagnou , précité, § 79). Il rajouta également que la loi de 1925 avait pour objet de prévoir un système
d’indemnisation des dégâts causés par le gibier fondé sur une contribution à la fois des adjudicataires des lots
de chasse, des syndicats de chasse ainsi que d’un fonds spécial créé en la matière.
23. Quant au contrôle de la proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, le tribunal
administratif accueillit les moyens présentés par l’opposante éthique à la chasse. Par une motivation très
circonstanciée, le tribunal se livra notamment à une comparaison détaillée entre les législations française et
luxembourgeoise en la matière, et précisa, entre autres, ce qui suit :
« (…) il convient d’analyser (…) la possibilité légale conférée au propriétaire individuel d’atteindre le non-exercice du droit de
chasse sur son terrain à travers une décision de non-relaissement du lot de chasse entier à formuler par le syndicat de chasse ;
(…) le vote n’étant point obligatoire, tous ceux qui n’y participent pas – généralement forts en nombre compte tenu du
morcellement des propriétés foncières – comptent en finalité pour le maintien du relaissement, encore qu’ils ne se soient pas
exprimés directement, étant donné que le refus du relaissement ne s’ensuit que si une des majorités qualifiées prévue à l’alinéa
second dudit article 1 er se trouve réalisée à partir du nombre des propriétaires intéressés faisant état effectivement de leur vote
négatif ;
Qu’il s’ensuit que les probabilités d’aboutir raisonnablement à une décision de non-relaissement sont infimes, rendant ainsi quasi
nulle la possibilité effective pour le propriétaire individuel d’aboutir à un non-exercice du droit de chasse sur ses terrains, ces
probabilités étant encore subjectivement accentuées vues à partir d’une assiette largement minoritaire par rapport au lot
globalement considéré, tel le cas d’espèce ;
(…) la question se pose au tribunal si la rémunération annuellement touchée du fait des terrains faisant partie d’un lot de chasse
relaissé et pris en location par un ou plusieurs chasseurs suivant les modalités adoptées constitue une juste indemnisation de la
perte du droit d’usage dont il s’agit pour les propriétaires concernés au Luxembourg ; (…)
Considérant que la qualité d’opposante éthique à la chasse n’étant point contestée (…) dans le chef de Madame …., (…) [le
tribunal] est amené à retenir (…) que pareil mobile impulsif et déterminant ne peut être utilement mis en balance avec la
rémunération perçue annuellement en contrepartie du droit d’usage, par elle perdu et jugé de façon non contestée comme étant
minime compte tenu à la fois de la contenance limitée de ses terrains et de l’import relativement faible de la rémunération totale à
répartir au prorata, une fois toutes les imputations légales effectuées, ne fût-ce encore qu’en raison des natures essentiellement
inconciliables d’une indemnisation pour équivalent et du mobile subjectif dégagé, relevant pareillement d’une liberté d’expression
et du droit de propriété ;
Qu’enfin, l’indemnisation par équivalent prévue par la loi ne concerne que la seule perte du droit d’usage, à l’exclusion de tous
autres aspects ci-avant relevés ;
Considérant qu’il suit des développements qui précèdent que dans l’hypothèse vérifiée de l’espèce d’un opposant éthique à
l’exercice du droit de chasse, les contreparties légales de la perte du droit d’usage relevant du droit de propriété ne sauraient être
considérées comme représentant une juste indemnisation ;
Considérant que pareillement à la situation française analysée par la Cour européenne des droits de l’homme, l’apport forcé de
ses terrains à travers l’obligation de faire partie du syndicat de chasse prévue par la loi luxembourgeoise représente une exception
au principal général posé par l’article 544 du Code civil luxembourgeois ; (…) »
Les juges conclurent finalement ce qui suit :
« (…) au-delà des dissimilitudes dégagées entre les systèmes instaurés respectivement par la loi Verdeille et la [loi de 1925], les
conclusions apportées par l’arrêt Chassagnou de la Cour européenne des droits de l’homme en son paragraphe 85 (…) sont
appelées à s’appliquer telles quelles au cas d’espèce en ce que la décision déférée (…) aboutit à une violation des dispositions du
second alinéa de l’article 1er du Protocole [n o 1] ;
Que plus particulièrement l’apport forcé des terrains de Madame … à travers le système d’appartenance obligatoire de leur
propriétaire au syndicat de chasse (…) par l’effet de la [loi de 1925] aboutit à placer la demanderesse dans une situation qui rompt

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le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général, en ce qu’elle est
obligée en tant que propriétaire de terrains peu consistants à faire apport de son droit de chasse sur lesdits terrains pour que des
tiers en fassent un usage totalement contraire à ses convictions, tout en se révélant une charge démesurée qui ne se justifie pas
sous l’angle du second alinéa de l’article 1 er du Protocole [n o1] ;
Que (…) la décision d’approbation du ministre de l’environnement déférée encourt dès lors l’annulation pour violation de la loi,
telle que son interprétation s’impose à la lumière de l’alinéa second de l’article 1 er du Protocole [n o1]. »
24. Dans un arrêt du 13 juillet 2004 (N os 17488C et 17537C du rôle), la cour administrative confirma
entièrement le jugement du 18 décembre 2003 et constata également une violation de l’article 11 de la
Convention, dans les termes suivants :
« L’obligation d’adhésion au syndicat de chasse constitue (…) une ingérence dans la liberté d’association « négative » et la Cour
européenne des droits de l’homme a retenu dans ce contexte que « bien qu’il faille parfois subordonner les intérêts d’individus à
ceux d’un groupe, la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité mais commande un
équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante », de sorte qu’une restriction
à un droit que consacre la Convention doit être proportionnée au but légitime poursuivi. Or, un « droit » ou une « liberté » de
chasse ne fait pas partie de ceux reconnus par la Convention qui, en revanche, garantit expressément la liberté d’association. »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 er DU PROTOCOLE N o 1, PRIS ISOLÉMENT
25. La requérante allègue que l’apport forcé de son terrain à un syndicat de chasse, conformément à la loi
de 1925, constitue une atteinte à son droit au respect de ses biens, tel que prévu par l’article 1 er du Protocole
no 1, ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause
d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent
nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou
d’autres contributions ou des amendes. »
26. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
27. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la
Convention. La Cour relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il
convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
28. La requérante indique faire sienne l’analyse faite par les juridictions administratives dans une affaire
parallèle (paragraphes 20-24 ci-dessus). En effet, une demande identique, formulée par une autre propriétaire
opposante à la chasse, fut accueillie par le tribunal administratif dans une décision du 18 décembre 2003,
confirmée par la cour administrative le 13 juillet 2004. Dans cette affaire, les juges conclurent à l’applicabilité

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du second alinéa de l’article 1 er du Protocole n o 1 et à l’existence d’une ingérence non justifiée sous l’angle de
cette disposition.
29. Quant à la question de la proportionnalité, la requérante insiste particulièrement sur le fait que la loi de
1925 elle-même, par sa formulation, prouve qu’elle n’envisage pas comme une nécessité absolue, sinon
caractérisée, de soumettre l’entièreté du territoire non urbanisé à l’exercice du droit de chasse en vue de
réaliser, comme but légitime, celui d’éviter une pratique anarchique de la chasse et de favoriser une gestion
rationnelle du patrimoine génétique. En effet, l’article 2 de la loi litigieuse prévoit de nombreuses hypothèses
dans lesquelles il est permis d’exclure des districts de chasse certaines parties du territoire qui sont a priori
utiles pour l’exercice du droit de la chasse. Par ailleurs, les syndicats ont la possibilité de se prononcer contre
le « relaissement » de la chasse, en cas de réunion d’une des majorités prévues à l’alinéa 2 de l’article 1 er de la
loi de 1925.
30. La requérante souligne également que les possibilités pour un propriétaire individuel d’aboutir à une
décision de « non-relaissement » au sein du syndicat et d’éviter que le droit de chasse ne s’exerce sur ses
terrains sont rendues quasi nulles en pratique.
31. Finalement, la requérante expose que la rémunération touchée par un propriétaire du fait que son
terrain faisant partie d’un lot de chasse relaissé ne constitue pas une juste indemnisation de la perte du droit
d’usage sur le terrain. Dans ses observations du 9 mars 2007, elle précise n’avoir à ce jour perçu aucune
somme au regard de la loi de 1925.
32. Le Gouvernement estime nécessaire d’expliquer, avant toute chose, le contexte historique de la
législation actuelle.
La première loi adoptée en la matière en 1885, attribuait le droit de chasse au propriétaire individuel et
favorisait ainsi les grands propriétaires terriens au détriment des petits cultivateurs.
Le projet de loi instituant la législation actuelle avait pour objectif de protéger, de manière égalitaire, les
intérêts de tous les propriétaires, en leur assurant une rémunération équitable en contrepartie de la location du
droit de chasse. Ainsi, l’adjudicataire du droit de la chasse paie un loyer qui est distribué proportionnellement
aux propriétaires composant le syndicat. Une partie du prix payé par l’adjudicataire est utilisée pour participer
au financement du système d’assurance indemnisant les propriétaires des dégâts causés par le gibier.
La législation sur la chasse n’a cessé de s’adapter au fil du temps aux nouvelles exigences d’ordre
cynégétique et écologique. Ainsi notamment, l’exercice du droit de chasse est interdit pendant la nuit et un
règlement grand-ducal définit, chaque année, des périodes très courtes de chasse, de quelques mois, pour la
plupart des espèces de gibier. L’exercice du droit de chasse a également été restreint considérablement, dans
le cadre de la protection de la nature et de plusieurs conventions internationales. Aussi, des mesures ont-elles
été prises pour préserver une densité de population de gibier saine et assurer la protection des espèces
menacées. Par ailleurs, un conseil supérieur de la chasse, composé de représentants des associations de
chasseurs et des associations d’écologistes, a pour mission d’adresser des propositions en la matière au
ministre de l’Environnement.
33. Quant au fond, le Gouvernement conclut, à titre principal, à l’absence d’une atteinte au droit de
propriété de la requérante. Le propriétaire luxembourgeois, contrairement au propriétaire français, ne dispose
pas d’un droit individuel d’exercer la chasse. Il est titulaire d’un droit éphémère qui ne devient efficace que
lorsqu’il est exercé par le syndicat, ce dernier décidant le « relaissement » ou non du droit d’exercice de la
chasse. Selon le Gouvernement, l’on ne saurait ainsi déduire de la loi de 1925 une ingérence dans la
jouissance des droits de propriété de la requérante.
34. A titre subsidiaire, le Gouvernement estime, quant au « but de l’ingérence », que les objectifs de la loi
de 1925 vont nettement plus loin que ceux de la loi Verdeille. La loi luxembourgeoise laisse en effet à
l’arrière-plan le but d’assurer la pratique démocratique d’un sport – la chasse – et considère en premier lieu la
sécurité des personnes et des biens, la gestion rationnelle du patrimoine cynégétique et le maintien de
l’équilibre écologique. La politique poursuivie par l’Etat est marquée par la recherche constante d’un équilibre

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entre les intérêts agricole et sylvicole, d’une part, et la préservation et la protection des habitats et de la
population cynégétique, d’autre part. Le Gouvernement en conclut que l’ingérence, par le biais de la loi de
1925, poursuit un but d’intérêt général qui vise la protection des droits et libertés d’autrui.
35. Quant à la proportionnalité, le Gouvernement estime que la législation luxembourgeoise ne saurait
encourir aucune des quatre critiques formulées par la Cour dans l’affaire Chassagnou c. France .
36. En effet, contrairement à la loi Verdeille, qui n’offrait aucune possibilité acceptable pour les
requérants d’éviter la contrainte d’une ACCA, le droit luxembourgeois offre aux propriétaires réunis en
syndicat de chasse l’option de voter pour ou contre le « relaissement » du droit de chasse. Les propriétaires
disposant tous d’une voix, indifféremment de la superficie de leur terrain, il s’agit d’un vote démocratique.
Une des deux majorités prévues à l’article 1 er alinéa 2 de la loi de 1925 est suffisante pour que le syndicat se
prononce contre le « relaissement » de la chasse, étant précisé que les propriétés de l’Etat, des communes et
des établissements publics sont toujours comptées dans la superficie adhérente au « relaissement », sans que
leurs représentants ne soient admis à participer au vote sur le principe du « relaissement ». Si le
Gouvernement admet que les modalités de vote sont en faveur du vote pour le « relaissement », il estime qu’il
serait faux de conclure hâtivement que le résultat serait fixé d’avance et que le système de la majorité requise
pour s’opposer au « relaissement » serait infranchissable. En effet, le nombre des opposants à la chasse étant
de plus en plus important, une action collective démocratique au sein du syndicat de chasse a des chances
d’aboutir au regard de l’évolution des mœurs.
37. Ensuite, le Gouvernement souligne qu’à l’inverse du système français, la loi de 1925 prévoit une juste
indemnisation en faveur des membres du syndicat de chasse, en cas de « relaissement » du droit de chasse.
D’une part, le propriétaire individuel perçoit chaque année un loyer proportionnel à la superficie de son
terrain. D’autre part, il dispose d’une couverture contre les dégâts causés par le gibier, eu égard à un système
collectif d’indemnisation fondé sur le principe de la solidarité. En l’espèce, la requérante avait le droit de
percevoir annuellement à titre de canon de chasse le montant de 3,25 euros (EUR) ; à défaut de dégâts causés
par le gibier sur son terrain, elle n’a pas perçu d’indemnité à ce titre.
38. Le Gouvernement expose également que, contrairement à la loi Verdeille, la loi de 1925 prévoit
l’appartenance au syndicat de chasse pour tous les propriétaires, y inclus l’Etat, les communes et les
établissements publics. Par ailleurs, la loi de 1925 s’applique uniformément sur tout le territoire
luxembourgeois, contrairement au système français qui ne soumet pas tous les départements au même
régime.
39. Finalement, selon le Gouvernement, il résulte d’une combinaison des articles 544 et 715 du code civil
avec l’article 1 er de la loi de 1925 que l’apport forcé du droit éphémère d’exercice de la chasse ne constitue
pas une exception au principe général de propriété.
40. Le Gouvernement conclut que la requérante, en subissant la présence de chasseurs éventuels
uniquement le jour et pendant le calendrier de chasse défini par les autorités publiques, avec en contrepartie
une juste indemnisation, n’a pas subi une charge démesurée. Il précise que l’option arbitraire d’un propriétaire
de pouvoir retirer du syndicat sa propriété entrerait en conflit avec la revendication des propriétaires voisins à
voir protéger leur droit de propriété et leurs revenus, d’une part, et mettrait en péril l’équilibre écologique,
d’autre part.
2. Appréciation de la Cour
a) Sur l’applicabilité de l’article 1 er du Protocole n o 1
41. La Cour est d’avis que l’inclusion forcée de propriétaires de terrains dans un syndicat de chasse,
conformément à la loi de 1925, doit s’analyser à la lumière du second alinéa de l’article 1 er du Protocole n o 1,
qui laisse aux Etats le droit d’adopter les lois qu’ils jugent nécessaire pour réglementer l’usage des biens

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conformément à l’intérêt général. Reste à savoir s’il y a eu réellement « ingérence » dans le droit de la
requérante de faire usage de son bien.
42. La Cour note que le droit luxembourgeois ne prévoit pas d’apport forcé du droit de chasse par le
propriétaire à une association de chasse, telle une ACCA sous la loi Verdeille. Elle se doit cependant de
rappeler qu’en application de l’article 1 er de la loi de 1925, les propriétaires de terrains situés dans un lot de
chasse sont automatiquement constitués en syndicat et que le droit de chasse sera relaissé, c’est-à-dire donné
en location, sauf si le syndicat en décide autrement par une majorité qualifiée des propriétaires.
43. En l’espèce, la requérante, qui se qualifie d’opposante éthique à la chasse, fit connaître, en temps utile,
son opposition à ce que son terrain soit inclus dans la zone de chasse. Toutefois, le syndicat se prononça en
faveur du « relaissement » et décida de proroger le bail de chasse en faveur des locataires sortants. Cette
décision fut approuvée par le ministre et entérinée par les juridictions administratives.
44. La Cour relève que, si la requérante n’a pas été dépouillée du droit d’user de son bien, de le louer ou de
le vendre, son inclusion dans un syndicat de chasse qui s’est prononcé en faveur du « relaissement » du droit
de chasse, l’empêche de faire usage de ce droit, directement lié au droit de propriété, comme bon lui semble.
En l’occurrence, la requérante s’oppose à ce que des tiers puissent pénétrer sur son fonds pour pratiquer la
chasse. Or, opposante éthique à la chasse, elle est obligée de supporter tous les ans sur son fonds la présence
d’hommes en armes et de chiens de chasse. A n’en pas douter, cette limitation apportée à la libre disposition
du droit d’usage constitue une ingérence dans la jouissance des droits que la requérante tire de sa qualité de
propriétaire. Dès lors, le second alinéa de l’article 1 er joue en l’espèce.
b) Sur le respect des conditions du second alinéa
45. Selon une jurisprudence bien établie, le second alinéa de l’article 1 er du Protocole n o 1 doit se lire à la
lumière du principe consacré par la première phrase de l’article. En conséquence, une mesure d’ingérence doit
ménager un « juste équilibre » entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits
fondamentaux de l’individu. La recherche de pareil équilibre se reflète dans la structure de l’article 1 er tout
entier, donc aussi dans le second alinéa ; il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les
moyens employés et le but visé. En contrôlant le respect de cette exigence, la Cour reconnaît à l’Etat une
grande marge d’appréciation tant pour choisir les modalités de mise en œuvre que pour juger si leurs
conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre l’objectif de la loi en cause
(Chassagnou, précité, § 75).
i. But de l’ingérence
46. La requérante ne conteste pas la légitimité du but poursuivi par l’ingérence. Aussi, la Cour estime-t-
elle que, vu le système instauré par la loi de 1925 et les explications fournies à ce sujet, il est assurément dans
l’intérêt général d’éviter une pratique anarchique de la chasse et de favoriser une gestion rationnelle du
patrimoine cynégétique.
ii. Proportionnalité de l’ingérence
47. Il résulte du dossier que la requérante était la seule opposante au principe de « relaissement » dans le
lot de chasse concerné. Elle ne pouvait donc échapper à l’inclusion de son terrain dans la zone pour laquelle le
bail de chasse fut prorogé.
48. A cet égard, l’argument du Gouvernement selon lequel les propriétaires disposent d’une possibilité de
voter contre le « relaissement » de chasse et d’obtenir ainsi le non-exercice du droit de chasse sur leur terrain,
surtout face au nombre croissant d’opposants éthiques à la chasse, ne saurait pas convaincre la Cour. En effet,
si une décision de « non-relaissement » est théoriquement possible, c’est à la condition qu’une des majorités

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qualifiées, prévues à l’alinéa 2 de l’article 1er de la loi de 1925, soit réunie. Or, il résulte des développements
produits, notamment dans le jugement du tribunal administratif du 18 décembre 2003, que les probabilités
d’aboutir à une décision de « non-relaissement » sont infimes, dans la mesure où de nombreux propriétaires
ne participent pas au vote du syndicat et sont ainsi pris en compte, au final, pour le maintien du
« relaissement » (voir paragraphe 23 ci-dessus). Les possibilités effectives pour la requérante d’aboutir à un
non-exercice du droit de chasse sur son terrain sont ainsi rendues quasi nulles, comme le démontre d’ailleurs
l’issue du vote du syndicat auquel elle appartient (voir paragraphe 9 ci-dessus).
49. L’argument du Gouvernement selon lequel la loi de 1925 prévoit une juste indemnisation en faveur
des propriétaires en cas de « relaissement » du droit de chasse ne saurait, à son tour, convaincre la Cour. Au
vu des explications fournies à ce sujet, la Cour estime, tout comme un courant de la jurisprudence nationale
(voir paragraphe 23 ci-dessus), que le mobile d’une opposante éthique à la chasse ne saurait être utilement
mis en balance avec la rémunération perçue annuellement en contrepartie du droit d’usage perdu par elle, ne
fût-ce qu’en raison de la nature essentiellement inconciliable d’une indemnisation par équivalent avec le
mobile subjectif invoqué.
Ensuite et en tout état de cause, la Cour se doit de constater que les thèses des parties divergent quant à la
rémunération effectivement perçue par la requérante. Tandis que celle-ci affirme n’avoir à ce jour perçu
aucune somme au regard de la loi de 1925, le Gouvernement indique que la requérante avait le droit de
percevoir annuellement à titre de canon de chasse le montant de 3,25 EUR. Quoi qu’il en soit, la Cour est
d’avis que la somme citée par le Gouvernement ne saurait raisonnablement être considérée comme une
mesure de compensation d’une valeur telle qu’elle pourrait représenter une juste indemnisation pour la
requérante.
50. Dans la mesure où le Gouvernement indique que l’option arbitraire de la requérante de pouvoir retirer
du syndicat sa propriété mettrait en péril l’équilibre écologique, la Cour se doit de noter que les dispositions
mêmes de la loi de 1925 (paragraphe 19 ci-dessus) prouvent qu’il n’est pas indispensable de soumettre
l’entièreté du territoire non urbanisé à l’exercice du droit de chasse. Elle rappelle en effet qu’une décision
contre le « relaissement » de la chasse est possible, en cas de réunion d’une des majorités prévues à l’alinéa 2
de l’article 1 er de la loi litigieuse. Par ailleurs, l’article 2 de la même loi permet d’exclure des districts de
chasse certaines parties du territoire qui sont a priori utiles pour l’exercice du droit de la chasse.
51. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que, nonobstant les buts légitimes recherchés par la loi
de 1925 au moment de son adoption, le système de l’appartenance obligatoire à un syndicat de chasse qu’elle
prévoit aboutit à placer la requérante dans une situation qui rompt le juste équilibre devant régner entre la
sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général : obliger une petite propriétaire à faire
apport de son droit de chasse sur son terrain pour que des tiers en fassent un usage totalement contraire à ses
convictions se révèle une charge démesurée qui ne se justifie pas sous l’angle du second alinéa de l’article 1 er
du Protocole n o 1. Il y a donc violation de cette disposition.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION, PRIS EN
COMBINAISON AVEC L’ARTICLE 1 er DU PROTOCOLE N o 1
52. La requérante argue également que la loi de 1925 crée deux discriminations, dans la mesure où elle
traite différemment les propriétaires selon qu’ils possèdent plus ou moins de 250 ha, d’une part, et où elle
exclut les biens de la Couronne de tout district de chasse, d’autre part. Elle invoque l’article 14 de la
Convention combiné avec l’article 1 er du Protocole n o 1, qui se lisent ainsi qu’il suit :
Article 14
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (…) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée

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notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine
nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
Article 1 er du Protocole n o 1
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause
d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent
nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou
d’autres contributions ou des amendes. »
53. Le Gouvernement conteste cette thèse, estimant en ordre principal, que l’article 14, qui n’a pas
d’existence propre, n’est pas applicable, à défaut d’applicabilité de l’article 1 er du Protocole no 1.
A titre subsidiaire, il estime que la loi de 1925 n’instaure pas de traitement différent entre les propriétaires
de terrains selon qu’ils détiennent plus ou moins de 250 hectares. En effet, contrairement au système français,
le « grand » propriétaire ne peut pas exiger l’exclusion de ses terrains du syndicat de chasse ; il peut
seulement demander le rassemblement de ses 250 hectares de terrains dans un seul lot de chasse, lequel
pourra cependant comprendre aussi d’autres propriétés. Un « grand » propriétaire ne peut donc pas former
tout seul un syndicat, mais devra se conformer à la décision du syndicat d’y adjoindre d’autres propriétés, le
cas échéant. Le « grand » propriétaire n’occupe nullement une situation privilégiée au sein du syndicat, dans
la mesure où il ne dispose que d’une seule voix, peu importe le prorata de ses terrains dans le syndicat. Si par
impossible, l’existence d’une discrimination était retenue, le Gouvernement conclut qu’il y a proportionnalité
raisonnable entre le but visé, qui est la défense d’un intérêt général, et le mécanisme de distinction entre les
propriétaires selon qu’ils possèdent plus ou moins de 250 hectares.
Quant à l’exclusion des biens de la Couronne de plus de 250 hectares du syndicat de chasse, le
Gouvernement estime que l’article 14 n’est pas applicable, dans la mesure où la requérante n’est pas dans une
situation similaire à celle du Grand-Duc qui est le souverain de l’Etat luxembourgeois. En ordre subsidiaire,
le Gouvernement estime que l’établissement de la distinction en faveur des biens de la Couronne participe du
pouvoir d’appréciation du caractère raisonnable de la justification, que l’Etat luxembourgeois a exercé en
l’espèce d’une manière objective et modérée. La raison même de la distinction objective réside dans la
Constitution, qui prévoit le statut particulier de la Couronne. Pour être complet, le Gouvernement souligne
que ce privilège accordé à la Couronne ne prime pas un des principaux aspects de l’intérêt général de la
législation en matière de chasse, c’est-à-dire la gestion efficace du patrimoine cynégétique et écologique. En
effet, seules les propriétés foncières de la Couronne de plus de 250 hectares d’un tenant sont visées, alors que
les propriétés de moindre superficie sont soumises au droit commun de la loi de 1925.
54. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.
55. Toutefois, eu égard au constat relatif à l’article 1 er du Protocole n o 1 (paragraphe 51 ci-dessus), la
Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément s’il y a eu, en l’espèce, violation de cette disposition
(voir, entre autres, Denli c. Turquie , n o 68117/01, § 40, 23 juillet 2002).
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 11 DE LA CONVENTION
56. La requérante allègue enfin avoir subi une atteinte à sa liberté d’association du fait qu’en vertu de la loi
de 1925, elle est contre son gré membre de droit d’un syndicat de chasse. Elle invoque l’article 11 de la
Convention, ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec
d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

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2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures
nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention
du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit
pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de
l’administration de l’Etat. »
57. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité
58. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné sous l’angle de l’article 1 er du Protocole n o 1 et doit
donc aussi être déclaré recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
59. La requérante indique que les syndicats de chasse sont à considérer comme des « associations » au
sens de l’article 11 de la Convention. Peu importe l’origine de ces associations, légale ou non, et le fait que
l’Etat, les communes ou les établissements publics y soient représentés. En l’occurrence, le syndicat ne sert
qu’à réguler l’exercice d’un loisir de quelques chasseurs, exercice qui est tout sauf nécessaire sur les terrains
des adhérents de force des syndicats de chasse. Le syndicat de chasse ne saurait ainsi être comparé ni au
corps électoral d’un Etat ni à un syndicat de copropriété, qui doivent être régis d’en haut pour que des
décisions inévitables pour la bonne gérance de l’Etat ou d’un immeuble soient prises.
60. Quant au fond, la requérante estime que le système d’indemnisation, auquel elle renoncerait volontiers
si la chasse n’était plus pratiquée sur son terrain, ne constitue en aucun cas une légitimation suffisante de cette
adhésion forcée. Elle en déduit une « ingérence » dans sa liberté d’association négative.
61. Elle estime que sa situation est identique à celle des requérants dans l’affaire Chassagnou c. France ,
dans la mesure où, en tant qu’opposante éthique à la pratique de la chasse, elle n’a raisonnablement pas la
possibilité de se soustraire à l’affiliation au syndicat de chasse. A ce sujet, elle rappelle que, si la possibilité
de se prononcer contre le principe du « relaissement » du droit de chasse existe certes en théorie, les chances
de voir une telle décision aboutir sont minimes. Elle renvoie à ce sujet aux explications fournies sous l’angle
de l’article 1 er du Protocole n o 1.
62. Selon la requérante, il y aurait des possibilités de réguler la présence du gibier sans obliger les
propriétaires de terrains à adhérer à un syndicat de chasse. Une solution consisterait par exemple dans
l’organisation de chasses de police, qui auraient pour seul but d’assurer une gestion cynégétique saine et
écologique, et non celui d’assouvir le plaisir d’un chasseur amateur de tuer des animaux.
63. La requérante en conclut que l’ingérence n’est pas proportionnée.
64. Le Gouvernement conteste que les syndicats de chasse puissent être considérés comme des
« associations » au sens de l’article 11 de la Convention. Il explique que, contrairement au droit français, les
syndicats de chasse ne sont pas des associations au sens de la loi sur les associations sans but lucratif. Plutôt
qu’une association de chasseurs, le syndicat s’apparente à un corps électoral organisé au niveau de la
commune. Le bon fonctionnement des syndicats est supervisé par l’autorité de tutelle, le ministre de
l’Intérieur qui est également l’autorité de contrôle des communes. Le syndicat décide notamment du
« relaissement » ou non du droit de chasse, collecte et distribue le loyer au propriétaire, et dirige la procédure
d’indemnisation des dégâts causés par le gibier. Il est ainsi à comparer à une assemblée de copropriétaires
d’une résidence.
65. A titre subsidiaire, le Gouvernement conteste d’abord l’existence d’une « ingérence ».
66. Il expose ensuite qu’une prétendue ingérence est « prévue par la loi », c’est-à-dire l’article 1 er de la loi

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de 1925. Elle poursuit comme « but légitime », celui de sauvegarder le droit de propriété des exploitants
agricoles et sylvicoles, d’une part, et celui de la gestion saine et écologique du patrimoine cynégétique, d’autre
part.
67. Le Gouvernement insiste sur la « nécessité » de l’ingérence. La loi de 1925 se différencie en effet de
manière notable de la loi Verdeille. Ainsi, la loi luxembourgeoise laisse l’option aux membres du syndicat de
chasse de voter sur le « non-relaissement » du lot de chasse. Elle s’applique de manière uniforme sur
l’ensemble du territoire national, sans distinction entre petits et grands propriétaires ni entre propriétaires
privés et publics.
Le Gouvernement insiste également sur la marge d’appréciation considérable dont il bénéficie, dans la
mesure où il y a, en l’espèce, superposition de droits concurrents qui sont tous les deux protégés par la
Convention. En effet, compte tenu de l’objectif du législateur luxembourgeois, les droits en concurrence sont
le droit individuel de la requérante qui se plaint d’être associée forcée d’un corps électoral, d’une part, et la
protection du droit de propriété, de la sécurité et de l’intégrité physique de la collectivité, d’autre part. Ainsi,
la loi de 1925 a été conçue sur la base d’un équilibre entre les droits individuels, d’une part, et la sauvegarde
de l’intérêt général, d’autre part. La faculté laissée à la majorité des propriétaires, réunis dans une assemblée
générale et exprimant un vote démocratique, participe justement à la construction de cet équilibre. Elle
constitue la contrepartie des intérêts privés face à l’intérêt général et par là se différencie de la loi Verdeille,
qui ne prévoyait aucune échappatoire pour les petits propriétaires de certains départements français. Le
Gouvernement rajoute que cette contrepartie que constitue la faculté de « non-relaissement » est organisée
d’une manière telle que l’intérêt général est préservé en toute hypothèse, par des mécanismes de gestion
rationnelle de la chasse tels que l’organisation des chasses de police ou des mesures de protection des espèces
menacées.
Le Gouvernement conclut qu’il y a en l’espèce un « impératif indiscutable » justifiant l’ingérence dans le
droit individuel de la requérante ; la mesure prise par l’Etat est ainsi proportionnelle face à l’objectif visé.
68. Finalement, le Gouvernement souligne qu’il n’existe aucune alternative en la matière. Ainsi, ne pas
attribuer le droit d’exercice de la chasse à un syndicat mais le confier à une autorité publique, constituerait
une atteinte tout aussi contraignante aux droits des propriétaires, puisqu’ils perdraient tout droit à
indemnisation ainsi que leur droit de vote et de prise d’influence au sein du syndicat.
2. Appréciation de la Cour
a) Sur l’applicabilité de l’article 11 de la Convention
69. La question qui se pose en l’espèce, est celle de déterminer si le syndicat de chasse auquel appartient
la requérante constitue une « association » au sens de l’article 11 de la Convention.
70. La notion d’« association » possède une portée autonome : la qualification en droit national n’a qu’une
valeur relative et ne constitue qu’un simple point de départ.
71. La Cour doit d’emblée faire remarquer que les juridictions ne se prononcèrent pas sur la question de la
qualification des syndicats de chasse dans les décisions qu’ils rendirent dans la présente affaire. En revanche,
dans une affaire introduite par une autre opposante éthique à la chasse, la cour administrative conclut à la
violation de l’article 11 de la Convention, et par là même, admit implicitement mais certainement que les
syndicats de chasse sont à considérer comme des « associations » au sens de l’article 11 (voir paragraphe 24
ci-dessus).
72. Il est vrai que les syndicats de chasse doivent leur existence à la volonté du législateur et qu’ils ne sont
pas des associations au sens de la loi sur les associations sans but lucratif. Il n’en demeure pas moins que les
syndicats sont constitués de propriétaires de terrains, donc de particuliers, qui se réunissent périodiquement
pour décider du « relaissement », ou non, du droit de chasse en faveur de quelques chasseurs, qui sont soit
des adjudicataires, soit des locataires sortants.

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73. De même, le fait que le fonctionnement des syndicats de chasse est supervisé par le ministre de
l’Intérieur ne suffit pas pour affirmer que ceux-ci demeurent intégrés aux structures de l’Etat ( mutatis
mutandis , Chassagnou , précité, § 101). De même, il ne saurait être soutenu que les syndicats de chasse
jouissent en vertu de la loi de 1925 de prérogatives exorbitantes du droit commun, tant administratives que
normatives ou disciplinaires, ou qu’elles utilisent des procédés de la puissance publique, à l’instar des ordres
professionnels.
74. La Cour estime donc que les syndicats de chasse sont bien des « associations » au sens de l’article 11
de la Convention.
b) Sur l’observation de l’article 11 de la Convention
i. Existence d’une ingérence
75. La Cour est d’avis qu’à n’en pas douter, l’obligation d’appartenance à un syndicat de chasse, imposée
par la loi de 1925 à la requérante alors qu’elle est une opposante éthique à la chasse, est à considérer comme
une « ingérence » dans sa liberté d’association « négative » (mutatis mutandis, Chassagnou, précité, § 103).
ii. Justification de l’ingérence
76. Pareille ingérence enfreint l’article 11, sauf si elle était « prévue par la loi », dirigée vers un ou des
buts légitimes au regard du paragraphe 2 et « nécessaire, dans une société démocratique », pour les atteindre.
77. La Cour estime que l’ingérence est prévue par l’article 1 er de la loi de 1925 et poursuit comme « but
légitime » celui de veiller à la sécurité des biens et des personnes et d’éviter une pratique anarchique de la
chasse.
78. Quant à la « nécessité » de l’ingérence, la Cour rappelle que, pour évaluer la nécessité d’une mesure
donnée, plusieurs principes doivent être observés. Le vocable « nécessaire » n’a pas la souplesse de termes
tels qu’« utile » ou « opportun ». En outre, pluralisme, tolérance et esprit d’ouverture caractérisent une
« société démocratique » : bien qu’il faille parfois subordonner les intérêts des individus à ceux d’un groupe,
la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité mais commande un
équilibre qui assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d’une position dominante. Enfin,
une restriction à un droit que consacre la Convention doit être proportionnée au but légitime poursuivi
(Chassagnou, précité, § 112 ; Young, James et Webster c. Royaume-Uni , arrêt du 13 août 1981, série A n o 44,
p. 25, § 63).
79. La Cour rappelle que l’article 1 er de la loi de 1925 dispose que tous les propriétaires de terrains non
bâtis, ruraux et forestiers, d’un district de chasse sont constitués en syndicats de chasse par l’effet même de
ladite loi. Etant propriétaire d’un terrain qui est compris dans un district de chasse, la requérante appartient
ainsi obligatoirement au syndicat de chasse concerné, en dépit du fait qu’elle soit opposante éthique à la
pratique de la chasse.
80. Il est vrai qu’en l’espèce, contrairement à l’affaire Chassagnou, le but invoqué par le Gouvernement
pour justifier l’ingérence incriminée n’est pas celui de la protection des droits et libertés des chasseurs, mais
celui de la sauvegarde du droit de propriété des exploitants agricoles et sylvicoles ainsi que celui d’une
gestion saine et écologique du patrimoine cynégétique. Toutefois, pour l’examen de la question de savoir s’il
peut se justifier d’obliger un propriétaire opposé à la chasse d’appartenir obligatoirement à un syndicat de
chasse, la Cour prend en compte les éléments suivants.
La requérante est une opposante éthique à la pratique de la chasse et la Cour considère que ses convictions
à cet égard atteignent un certain degré de force, de cohérence et d’importance et méritent de ce fait respect
dans une société démocratique ( mutatis mutandis, Chassagnou, précité, § 114). Partant, la Cour estime que
l’obligation faite à une opposante à la chasse d’adhérer à une association de chasse peut à première vue

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sembler incompatible avec l’article 11.
En outre, un individu ne jouit pas de la liberté d’association si les possibilités de choix ou d’action qui lui
restent se révèlent inexistantes ou réduites au point de n’offrir aucune utilité ( mutatis mutandis, Chassagnou,
précité, § 114).
81. La Cour se doit de constater, qu’en l’espèce, la requérante n’a raisonnablement pas la possibilité de se
soustraire à cette affiliation : en effet, en vertu de l’article 1 er de la loi de 1925, elle est automatiquement et
obligatoirement membre du syndicat de chasse du lot de chasse dans lequel se situe son terrain. L’intéressée
insiste à cet égard sur le fait que si la possibilité de se prononcer contre le principe du « relaissement » du
droit de chasse existe certes en théorie, les chances de voir une telle décision aboutir sont quasi nulles. La
Cour relève cependant que, même au cas où, par impossible, ce syndicat de chasse devait, lors d’une
assemblée générale, voter contre le « relaissement » du droit de chasse, ledit syndicat continue à exister en
tant qu’entité juridique dont l’activité consiste alors dans la convocation de la prochaine assemblée générale
où tous les propriétaires devront de nouveau se prononcer pour ou contre le « relaissement ».
82. Ce constat suffit à la Cour pour conclure que contraindre par la loi un individu à une adhésion
profondément contraire à ses propres convictions et l’obliger, du fait de cette adhésion, à apporter le terrain
dont il est propriétaire pour que l’association en question réalise des objectifs qu’il désapprouve va au-delà de
ce qui est nécessaire pour assurer un juste équilibre entre des intérêts contradictoires et ne saurait être
considéré comme proportionné au but poursuivi (mutatis mutandis, Chassagnou , précité, § 117).
83. Dès lors, la Cour estime qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 11 de la Convention.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
84. Aux termes de l ‘article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie
contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a
lieu, une satisfaction équitable. »
85. La requérante n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, la Cour estime qu’il n’y a
pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1er du Protocole n o 1 ;
3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément le grief tiré de l’article 14 de la Convention, pris en
combinaison avec l’article 1 er du Protocole n o 1 ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 11 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 juillet 2007 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du
règlement.

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S. DOLLÉ A.B. BAKA
Greffière Président
ARRÊT SCHNEIDER c. LUXEMBOURG
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